Les avis négatifs peuvent représenter un véritable fléau pour les personnes qui sont visées, notamment lorsque ces avis se multiplient et sont injustifiés. Il s’est rapidement posé la question de la possible condamnation des auteurs de tels faux avis négatifs. Au-delà de sanctionner la publication d’avis pouvant tromper les consommateurs et clients professionnels, il s’agit également de réparer le préjudice subi par la personne injustement dénigrée.
Quelle est la position de la jurisprudence à ce propos ? Sur quels fondements juridiques peut-on sanctionner la publication de faux avis dénigrants en ligne ? Le tribunal judiciaire de Paris nous apporte plusieurs éléments de réponse dans un jugement rendu le 22 juin 2022…
La publication de faux avis dénigrants est-elle condamnable ?
Avec le développement de la publicité sur internet et la publication des avis, les entreprises peuvent bénéficier de retombés positives tout comme de retombés négatives sur leur e-réputation.
Partant de ce constat, certains particuliers et entreprises sont tentés de fausser cette e-reputation en publiant de faux avis dénigrants. En effet, la publication de faux avis est relativement simple à réaliser, notamment sur des sites avec une forte audience comme sur Google My Business.
La justice n’a eu d’autre choix que de se positionner face à ces faits qui se multiplient et qui peuvent entraîner de graves conséquences pour les entreprises victimes.
Dès lors, il s’est rapidement imposé de légiférer sur ce point afin de condamner les personnes publiant de faux avis à des fins de dénigrement.
Sur quels fondements juridiques ?
Les nouvelles technologies entraînent également leur lot de conséquences sur la réputation en ligne des entreprises. Ainsi, les actions de dénigrement en ligne sont tout autant condamnables que les pratiques de concurrence déloyale.
Le tribunal judiciaire de Paris lors d’un jugement en date du 22 juin 2022 a été amené à se prononcer sur ce sujet.
En l’espèce, la partie condamnée avait publié 6 avis dénigrants à propos d’une société sur la fiche Google My Business de cette dernière. Ces publications ont porté préjudice à la société.
Dans ce cas, le tribunal judiciaire de Paris ne statue pas sur le caractère condamnable de la publication d’un avis négatif. Si un avis négatif est justifié, rien n’interdit à un client ou à un consommateur de publier son ressenti négatif à propos d’une prestation ou d’un produit.
Cette appréciation du tribunal se porte ici sur le fait que l’auteur des avis n’a jamais fait appel aux services de la société victime de dénigrement. En l’espèce, le faisceau d’indices mène davantage vers un règlement de compte d’ordre personnel entre l’auteur des faits et le dirigeant de la société.
Ce qui est condamnable ici est le caractère mensonger de ces avis. En d’autres termes, l’auteur de ces avis publiés n’avait que pour objectif de dénigrer la société en publiant de faux avis qui ne reflètent pas son expérience en tant que client.
Le tribunal judiciaire de Paris se fonde ici sur l’application de l’article 1240 du Code civil pour condamner l’auteur des 6 avis dénigrants au paiement de 3 000 € de dommages et intérêts à la société victime.
Le tribunal judiciaire de Paris considère ainsi que : « Même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur les produits, les services ou les prestations de l’autre peut constituer un acte de dénigrement, ouvrant droit à réparation sur le fondement de l’article 1240 du Code civil ».
Pour rappel, cet article 1240 du Code civil dispose que : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Comment prouver la publication de faux avis négatifs ?
Une personne — physique ou morale — doit prouver les actes de dénigrement en ligne à son encontre. Dans ce cas, les preuves apportées doivent être aussi impartiales que possible. De plus, ces preuves doivent être obtenues sans avoir recours à un procédé déloyal. Par exemple, le piratage d’un compte en ligne constitue un mode de preuve déloyal.
L’objectif ici est de prouver que les avis incriminés ont été publiés tel jour et telle heure, en provenance de tel profil en ligne. Partant de ces éléments de preuve objectifs, la partie dénigrée pourra ensuite apporter des éléments d’information supplémentaires permettant de prouver le caractère faussé de ces avis ainsi que l’intention de son auteur de lui porter préjudice.
Pour cela, toute personne peut demander à un commissaire de justice (anciennement appelé huissier de justice) de réaliser un constat de commissaire de justice en ligne.
Un constat représente un élément de preuve irréfutable jusqu’à preuve du contraire de la publication d’un ou de plusieurs avis sur internet. Le procès-verbal fait également mention de la date et de l’heure du constat, afin de pouvoir prouver la publication de ces avis en ligne, quand bien même l’auteur les supprime par la suite.