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Bail commercial : renonciation tacite aux effets de la clause résolutoire

Les litiges concernant les impayés pour des baux commerciaux sont nombreux. En cas d’impayés, un propriétaire bailleur peut faire appliquer une clause résolutoire dans le contrat de bail. In fine, le propriétaire bailleur pourra ainsi reprendre la jouissance de son local commercial, si le locataire ne paie plus le loyer.

Un propriétaire bailleur peut néanmoins renoncer à ce droit. La question qui s’est posée sur ce point est de savoir si cette renonciation doit être express ou si elle peut être tacite. En d’autres termes : est-ce qu’un propriétaire doit écrire noir sur blanc qu’il renonce à faire appliquer la clause résolutoire du contrat à l’égard de son locataire mauvais payeur ? Est-ce que certains actes du propriétaire bailleur peuvent suffire à déduire que ce dernier renonce à son droit de résilier le contrat de bail ?

Ces questions ne sont pas anodines, car l’application d’une clause résolutoire conditionne le maintien du contrat de bail et ses effets qui y sont attachés. La Cour de cassation dans un arrêt du 21 janvier 2021 (3e Civ., n° 19-24.466) a eu l’occasion de se prononcer sur ce point. Voici sa réponse.

 

Bail commercial et clause résolutoire

Rappel des faits

Dans les faits, il s’agit d’une société qui loue des locaux commerciaux à un particulier pour exploiter une discothèque depuis 2009.

Suite à des loyers impayés, le bailleur a fait délivrer à la société locataire un commandement de payer en 2015.

Le locataire n’ayant pas procédé au paiement des loyers impayés et des charges arriérés en 2016, le bailleur a demandé l’application de la clause résolutoire devant le juge. Pour rappel, dans ce cas l’application de la clause résolutoire permet au bailleur de mettre fin au contrat de bail et de demander au locataire de quitter les lieux.

Le juge a octroyé un délai de paiement à la société locataire et a suspendu les effets de la clause résolutoire.

Le locataire n’ayant toujours pas payé les loyers dus, le bailleur en mai 2018 refait parvenir au locataire un commandement de payer, en l’informant également de sa volonté de faire appliquer la clause résolutoire. En juin 2018, ce même bailleur propose au locataire un renouvellement du bail commercial avec un loyer minoré.

Le locataire demande une nouvelle fois des délais de paiement. Le bailleur quant à lui forme une demande reconventionnelle dans laquelle il demande de son côté l’application de la clause résolutoire.

Pour résumer plus simplement la situation, le propriétaire bailleur a proposé à son locataire un renouvellement du bail commercial avec un loyer minoré au vu des difficultés de paiement des précédents loyers par son locataire.

Suite à cette offre, le locataire demande dans un premier temps un délai de paiement supplémentaire pour les loyers impayés. En réponse à cette énième demande de délais de paiement, le propriétaire demande l’application de la clause résolutoire pour mettre fin au contrat de bail.

Ce litige est porté devant la Cour d’appel de Lyon qui rejette la demande d’un délai de paiement du locataire et accepte la demande du bailleur de faire appliquer la clause résolutoire.

Le locataire quant à lui se pourvoit en cassation, estimant que le bailleur avait renoncé tacitement à son droit de demander la résiliation du bail en lui proposant un renouvellement du bail commercial.

Une offre de renouvellement du bail est-elle une renonciation tacite à la résiliation du bail ?

C’est la grande question qui va déterminer le maintien ou non de l’exécution du contrat de bail commercial en l’espèce. Au-delà de ce litige, la réponse apportée à cette question va également déterminer l’étendue du droit octroyé à un bailleur de demander la résiliation du bail commercial en cas de loyers impayés.

En l’espèce, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Lyon en considérant que « la renonciation à un droit peut être tacite dès lors qu’elle procède d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ». Dans ce cas, le bailleur a fait une offre de renouvellement du bail commercial au locataire après l’ordonnance de référé qui est venue suspendre les effets de la clause résolutoire.

Face à cette temporalité, les juges ont estimé que le bailleur présentait la volonté de proposer un renouvellement du bail commercial après avoir demandé dans un premier temps la résiliation du bail. Par conséquent, cette offre de renouvellement représente pour la Cour de cassation une volonté non équivoque du bailleur de renoncer à son droit de demander la résiliation du contrat de bail commercial.

 

Renonciation tacite à l'application d'une clause résolutoire

 

Perte-du-droit-de-demander-la-resiliation-du-bail-commercial

Quels sont les effets de cette renonciation tacite ?

L’acceptation de cette renonciation tacite n’est pas sans conséquence pour le bailleur, loin de là. En effet, ce dernier perd son droit de résilier unilatéralement le bail commercial face à ce locataire mauvais payeur. Il est donc contraint d’attendre la fin du contrat pour faire signifier à son locataire sa volonté de ne pas reconduire ce bail. À la fin du contrat de bail, le bailleur pourra avancer le manquement du locataire de payer tous ses loyers pour lui refuser le renouvellement du bail commercial.

Cette renonciation tacite n’empêche pas le bailleur de demander le paiement des loyers impayés, mais ce dernier s’expose possiblement à ce que le locataire présente par la suite d’autres difficultés financières à payer les futurs loyers.

Propriétaire bailleur : comment se prémunir de cette renonciation tacite ?

Dans cette situation, on peut légitimement penser que le bailleur — face à cette longue procédure judiciaire pour demander le paiement de loyers impayés — a voulu proposer une autre issue à son locataire en proposant un renouvellement du bail commercial avec un loyer minoré.

Face à la 2e demande d’un délai de paiement par le locataire, le bailleur a souhaité procéder à la résiliation unilatérale du bail commercial. Mais ce dernier n’a sans doute pas pensé que ce droit ne lui serait plus acquis avec sa précédente offre de renouvellement perçue comme une renonciation tacite à la résiliation du contrat de bail.

Pour éviter toute renonciation tacite non voulue, un bailleur a tout intérêt à faire appel aux services d’un huissier qui — en plus de lui permettre de faire notifier un commandement de payer ou une demande de congé à son locataire — pourra également l’avertir sur les effets de chacun de ces actes juridiques.

 

Faire appel à un huissier de justice pour la résiliation d'un bail commercial

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