Une part significative du parc locatif français nécessite des travaux de rénovation énergétique. L’État incite chaque propriétaire et bailleur à réaliser ce type de travaux afin de réduire le nombre de passoires thermiques. L’interdiction progressive de louer les logements affichant un DPE F ou G a également mis un coup d’accélérateur pour réaliser ces travaux.
Mais un locataire peut-il s’opposer à de tels travaux pendant son occupation dans les lieux ? Un bailleur souhaitant améliorer le DPE de son bien immobilier peut-il contraindre son locataire à accepter de tels travaux ? La Cour d’appel de Paris met fin à cette incertitude dans son arrêt du 22 juin 2023 (Cour d'appel de Paris - Pôle 1 - Chambre 2, 22 juin 2023 / n° 22/19289).
L’installation d’une VMC qui fait débat
En l’espèce, la Cour d’appel de Paris est amenée à statuer sur un litige opposant un bailleur et son locataire.
Le bailleur souhaite faire installer une ventilation mécanique contrôlée (VMC) dans l’un de ses logements actuellement loué. La locataire s’y oppose et refuse l’accès à l’appartement pour la réalisation de ces travaux.
Par ordonnance contradictoire, le juge des référés ordonne à la locataire de laisser l’accès à son logement aux personnes mandatées pour réaliser l’installation de la VMC. Le bailleur est également autorisé à faire appel à un commissaire de justice pour forcer l’ouverture de la porte si besoin selon la procédure en vigueur.
Les travaux furent réalisés.
Face à cette décision et à la réalisation des travaux, la locataire interjette appel. Cette dernière demande en outre le versement de dommages et intérêts à son bailleur pour les raisons suivantes :
• l’aggravation de ses problèmes de santé au niveau pulmonaire lors des travaux avec une exposition à la poussière contenant notamment de l’amiante ;
• le bien loué propose désormais une surface réduite de rangements avec la suppression d’une grande partie des placards afin d’installer la VMC et le conduit de ventilation ;
• la survenance d’un préjudice moral à la suite de l’intrusion violente des installateurs de la VMC.
Le bailleur quant à lui se défend en exposant les arguments suivants :
• les travaux entrepris étaient nécessaires afin d’améliorer les performances thermiques de la résidence et répondre aux objectifs du plan climat de la ville ;
• le seul blocage de l’installation de cette VMC par la locataire a entraîné un retard des travaux dans l’ensemble de la résidence ainsi qu’un surcoût financier ;
• la locataire ne peut pas invoquer un préjudice moral dans le sens où l’exécution des travaux a été autorisée par le juge des contentieux de la protection, sans caractère violent ou abusif.
Le droit à la jouissance paisible du logement loué se heurte ainsi à la nécessité de réaliser des travaux de performance énergétique. La Cour d’appel est alors invitée à appliquer le principe de proportionnalité.
Travaux de rénovation énergétique : une atteinte à la jouissance paisible du locataire ?
À la lecture des atteintes dénoncées par la locataire, la Cour d’appel doit examiner en détail les faits afin de juger si les conséquences de ces travaux sont excessives au vu des bénéfices recherchés.
Après examen des faits, la Cour d’appel confirme le jugement rendu en première instance et déboute la locataire de ses prétentions. Pour cela, la Cour d’appel de Paris retient que :
• les travaux d’installation de la VMC ne comprenaient pas de désamiantage ;
• la plaignante n’a pu produire aucun élément attestant de son état de santé dégradé dû aux travaux ;
• la plaignante a refusé la jouissance d’un logement de courtoisie en journée pour échapper au bruit et à la poussière durant les travaux ;
• la surface de rangements a été réaménagée de manière à ne pas être significativement réduite par le passage du conduit de la VMC.
Par application du principe de proportionnalité, la Cour d’appel considère ainsi que les troubles subis par la locataire sont mineurs par rapport aux bénéfices obtenus avec la réalisation des travaux de rénovation énergétique.
L’intervention nécessaire d’un commissaire de justice
L’intervention d’un commissaire de justice est ici impérative afin de respecter en tous points les droits de la locataire et de prouver la bonne réalisation des travaux.
En effet, le bailleur n’est pas autorisé à procéder seul à l’ouverture forcée du logement occupé par sa locataire. Ce dernier doit impérativement faire appel à un commissaire de justice. Le commissaire de justice est habilité par jugement à procéder à l’ouverture forcée de la porte si besoin, en la présence d’une autorité de police et avec le concours d’un serrurier.
De même, un commissaire de justice peut dresser un procès-verbal de constat avant travaux et après travaux. Ce type de constat représente une preuve irréfutable jusqu’à preuve du contraire de l’état du logement avant travaux et après travaux. Face à un locataire manifestement hostile à des travaux, un bailleur pourra ainsi prouver devant le juge la bonne réalisation des travaux sans atteinte disproportionnée aux droits du locataire.
De manière générale, il est conseillé de demander un constat avant travaux et après travaux à un commissaire de justice dans le cadre d’une location. Cette précaution permet à tout bailleur de disposer d’éléments de preuve attestant de sa bonne foi en cas de litige avec son locataire.