Le domicile conjugal peut faire l’objet de vives discussions lors d’une séparation d’un couple marié. Au-delà de savoir qui va rester vivre dans le domicile conjugal — s’il s’agit d’un bien loué — le paiement des loyers fera aussi généralement partie des sujets à évoquer au moment de la séparation.
Est-ce que l’époux qui quitte le domicile conjugal reste solidaire des loyers à payer ? À quel moment de la procédure de divorce les époux ne sont-ils plus solidaires pour le paiement du loyer ? Nous vous rappelons les règles en vigueur sur ce point…
Les époux cotitulaires du bail d’habitation
Un bail d’habitation qui fait l’objet du domicile conjugal des 2 époux entraîne de facto une cotitularité de ce bail entre les époux. En d’autres termes, les 2 époux peuvent jouir de ce droit au bail d’habitation et sont en contrepartie redevables tous les deux du paiement des loyers au propriétaire.
Cette cotitularité s’applique également lorsque le bail d’habitation a été signé avant le mariage par uniquement l’un des époux. Une fois marié, l’autre époux deviendra automatiquement cotitulaire de ce bail. Il sera donc également solidaire du paiement des loyers. Par conséquent, si l’un des époux ne peut plus payer pendant un temps la part de son loyer, le bailleur pourra demander à l’autre époux de payer l’intégralité du loyer. En effet, le paiement des loyers du domicile conjugal est assimilé à une dette ménagère. Par conséquent, les 2 époux sont tenus d’honorer cette dette solidairement à la hauteur de leur capacité financière.
Cette cotitularité subsiste tout au long du mariage. Par conséquent, si 2 époux sont séparés de corps sans être pour autant divorcés, ils restent tous les deux solidaires du paiement des loyers.
Solidarité des époux pendant la procédure de divorce
La procédure de divorce permet de procéder au partage des biens acquis par les époux pendant le mariage et de régler les possibles rapports des ex-époux après le divorce (ex. : organiser la garde des enfants).
Pendant toute la durée de la procédure de divorce, les 2 époux restent solidaires quant au paiement des loyers du domicile conjugal.
Cette solidarité subsiste également lorsque le juge aux affaires familiales attribue la jouissance du domicile conjugal à l’un des époux. Donc l’époux qui quitte le domicile conjugal pendant la procédure de divorce reste tout de même redevable du paiement des loyers vis-à-vis du bailleur.
Un arrêt de la Cour de cassation en date du 2 février 2000 (Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 2 février 2000, 97-18.924, publié au bulletin) rappelle ainsi que « chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants ; que toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement ; que le jugement de divorce est opposable aux tiers, en ce qui concerne les biens des époux, à partir du jour où les formalités de mention en marge prescrites par les règles de l’état civil ont été accomplies ».
Par conséquent, dans les faits si l’époux qui s’est vu attribuer temporairement la jouissance du domicile conjugal par une ordonnance de non-conciliation ne paie plus les loyers, le bailleur peut se retourner contre l’époux qui a quitté le logement pour demander le paiement de ces loyers impayés.
Cependant, il est bon de rappeler que si l’époux ne résidant plus au domicile conjugal loue un autre bien après l’ordonnance de non-conciliation, ce dernier reste seul redevable du paiement des loyers. L’époux resté au domicile conjugal ne sera donc pas tenu de payer solidairement les loyers de l’autre époux qui a signé un autre bail d’habitation après l’ordonnance de non-conciliation.
À quel moment les ex-époux ne sont-ils plus cotitulaires du bail ?
Au prononcé du divorce, le juge aux affaires familiales prononce définitivement son jugement concernant l’attribution du domicile conjugal à l’un des époux. Les décisions prises par le juge ne seront donc plus temporaires. La procédure de divorce arrive à sa fin. Mais contrairement à ce que beaucoup d’ex-époux pourraient croire, la solidarité quant au paiement des loyers de l’ancien domicile conjugal ne s’arrête pas pour autant au jour du prononcé du divorce.
En effet, au jour du prononcé du divorce, les tiers ne peuvent être informés de ce jugement. Ce jugement ne leur est donc pas encore opposable. En d’autres termes, le bailleur de l’ancien domicile conjugal n’est pas tenu de connaître le prononcé du divorce des 2 ex-époux. Par conséquent, il est encore fondé à demander le paiement d’éventuels loyers impayés à l’ex-époux n’habitant plus au domicile conjugal.
Cette solidarité subsistera donc jusqu’à ce que la mention du divorce soit inscrite en marge des registres de l’état civil. Une fois cette transcription du divorce faite et opposable aux tiers, le bailleur ne pourra plus demander le paiement des loyers à l’ex-époux qui ne sera plus cotitulaire du bail d’habitation.
Bien souvent, ce dernier point est ignoré par les ex-époux. Cependant, un bailleur est tout à fait fondé à faire signifier par un huissier de justice un commandement de payer à l’ex-époux divorcé n’habitant plus dans le logement loué tant que le divorce ne figure pas en marge des registres d’état civil.