Un locataire bénéficie de plusieurs prérogatives avec pour objectif principal de protéger son droit au logement. Parmi ces prérogatives figure un droit de préemption important qui offre une priorité au locataire lors de la mise en vente du logement qu’il occupe. Si ce droit peut être exercé à titre principal, à la suite d’un congé pour vente, il peut aussi l’être à titre subsidiaire dans le cas où le prix contenu dans le congé est ultérieurement revu à la baisse.
La vente d’un bien immobilier peut en effet prendre du temps et faire l’objet de plusieurs négociations et baisses de prix successives. Dans ce cas, les litiges entre locataire et bailleur peuvent être nombreux, notamment lorsqu’il s’agit de respecter à la lettre le droit de préemption du locataire. Un arrêt de la Cour de cassation rendu le 11 mai 2022 (Civ. 3ème, 11 mai 2022, n° 20-15.659) est venu rappeler le principe du droit de préemption subsidiaire du locataire, après une baisse du prix de vente consenti par le vendeur à un tiers au contrat de bail d’habitation.
Rappel : comment s’applique le droit de préemption du locataire ?
Le droit de préemption du locataire permet à ce dernier d’avoir la priorité sur l’achat du bien loué lors de sa mise en vente par le propriétaire bailleur. Ce droit de préemption est prévu à l’article 15-II de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.
Le bailleur vendeur a l’obligation de respecter ce droit de préemption du locataire. Concrètement, le bailleur doit donner à son locataire un congé contenant une offre de vente du bien loué. Cette offre, valable deux mois, doit évidemment faire mention du prix et des conditions de la vente projetée par le bailleur.
Le locataire dispose du temps nécessaire pour étudier l’offre, l’accepter ou chercher un autre logement, car le bailleur doit faire délivrer ce congé avec l’offre de vente au minimum 6 mois avant la fin du contrat de bail d’habitation.
Afin d’avoir la preuve à la fois du respect de ce délai et des exigences formelles requises, il est recommandé au bailleur de faire signifier le congé avec offre de vente à son locataire par un acte de commissaire de justice (anciennement huissier de justice).
Si le locataire souhaite acheter le bien loué et accepte l’offre, il dispose alors d’un délai de 2 mois à compter de sa réponse pour réaliser l’acte de vente. Si la vente est conditionnée à l’obtention d’un prêt immobilier, le locataire dispose d’un délai de 4 mois pour finaliser la vente avec son bailleur.
Si le locataire ne souhaite pas acquérir le bien qu’il loue, ce dernier doit quitter les lieux durant le délai de préavis contenu dans le congé, étant à préciser qu’il n’est redevable du paiement des loyers et charges que pour le temps où il occupe réellement le logement.
Si, dans un second temps, le propriétaire bailleur consent à vendre son bien à un tiers à un prix revu à la baisse ou avec des conditions de vente plus avantageuses, ce dernier doit en notifier le locataire et lui ouvrir un nouveau délai de 1 mois pour exercer son droit de préemption subsidiaire.
Comment s’applique le droit de préemption subsidiaire après une baisse du prix de vente ?
L’arrêt de la Cour de cassation en date du 11 mai 2022 est venu confirmer une application littérale de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 quant au droit de préemption subsidiaire du locataire.
Dans les faits, un locataire manifeste sa volonté d’acquérir le bien qu’il occupe suite à une offre de vente reçue par congé de son bailleur. Le locataire fait toutefois une proposition plus basse que le prix de vente souhaité par le bailleur, mais ne justifie pas avoir sollicité un prêt dans les délais requis.
Le bailleur vendeur accepte ultérieurement une offre d’achat de la part d’un tiers au contrat de bail d’habitation, après avoir consenti à une baisse du prix de vente. Plus précisément, il s’avère que l’offre d’achat acceptée est égale à celle précédemment proposée par le locataire.
Le locataire souhaite donc faire annuler la vente considérant que son droit de préemption subsidiaire n’a pas été respecté. L’affaire est portée devant la Cour d’appel de Bastia qui rejette la demande du locataire, dont l’offre d’achat est considérée comme caduque car n’ayant pas fait l’objet d’une demande de prêt. Il se pourvoit alors en cassation, et la Cour de cassation lui donne raison.
En effet, l’arrêt de la Cour d’appel relève bien que le bailleur n’a pas renouvelé son offre de vente auprès de son locataire, après avoir consenti à une baisse du prix de vente auprès d’un tiers. Dans ce cas, la Cour de cassation considère que le droit de préemption subsidiaire du locataire n’a pas été respecté, quand bien même l’offre d’achat initiale aurait été caduque.
Le droit de préemption subsidiaire du locataire est donc totalement indépendant du droit de préemption exercé à titre principal mais qui n’aboutirait pas.
Une vente reste-t-elle valide malgré le non-respect du droit de préemption subsidiaire du locataire ?
La vente d’un bien immobilier qui ne respecte pas le droit de préemption du locataire peut être frappée de nullité. Cela vaut également en cas de non-respect du droit de préemption subsidiaire du locataire, lorsqu’un tiers se voit proposer un prix ou des conditions de vente plus avantageux que ceux proposés dans un premier temps au locataire.
Bon à savoir : le droit de préemption du locataire ne s’applique pas lorsque la vente est consentie à un parent du vendeur jusqu’au 3e degré inclus, à condition que l’acquéreur occupe le logement pour une durée d’au moins deux ans suivant la fin du délai de préavis. Ces dispositions ne s’appliquent pas non plus au contrat de bail meublé.