Les expulsions représentent des décisions judiciaires non sans conséquences pour les locataires concernés. Selon leur situation familiale et financière, leur relogement peut être compliqué. Afin de préserver au mieux le droit au logement sans léser les bailleurs, les juges sont enclins à accorder un sursis dans l’exécution de l’expulsion.
Cependant, certaines situations amènent le rejet d’un tel sursis, notamment face à une mauvaise foi du locataire. C’est ce que l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier nous rappelle dans une ordonnance de référé prise le 25 octobre 2023.
L’appel d’un rejet de sursis concernant l’exécution d’une expulsion
En l’espèce, il s’agit d’un locataire qui fait l’objet d’une procédure d’expulsion. Cette procédure d’expulsion intervient après le non-paiement de plusieurs loyers. Face à ces loyers impayés, les bailleurs ont consenti à un effacement de la dette locative, octroyant ainsi une seconde chance à leur locataire de retrouver une situation financière lui permettant d’honorer les loyers à venir.
Or, le locataire continue de ne pas payer ses loyers. De ce fait, les bailleurs ont obtenu gain de cause concernant leur demande d’expulsion de leur locataire pour loyers impayés.
Le locataire saisit le juge de l’exécution (JEX) pour demander un sursis, ayant des difficultés à trouver un nouveau logement. Le JEX rejette cette demande de sursis. Face à ce rejet, le locataire fait appel de cette décision.
L’appréciation de la situation personnelle du locataire
Le locataire fonde sa demande sur l’article R121-22 du Code des procédures civiles d’exécution qui dispose que « (…) Le sursis à exécution n’est accordé que s’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour ».
Pour le locataire, le fait que ce dernier fasse des démarches concrètes pour se reloger avant la date de son expulsion justifie un moyen sérieux de réformation de la décision prise en première instance.
De ce fait, le locataire estime que le juge en première instance a commis une erreur manifeste d’appréciation de sa situation personnelle, eu égard aux efforts consentis pour trouver un autre logement afin de libérer les lieux dans le délai imparti.
La Cour d’appel de Montpellier est ainsi invitée à statuer sur la légitimité de la demande du locataire, tout en préservant le droit de propriété des bailleurs.
La mauvaise foi du locataire justifiant le rejet de sa demande de sursis
Lorsque la situation le justifie et que le locataire est de bonne foi, les juges sont généralement enclins à accorder un sursis dans l’exécution d’une expulsion. En effet, l’expulsion est une procédure lourde de conséquences pour une personne ayant des difficultés à se reloger.
Or, ici la Cour d’appel de Montpellier relève que le locataire a refusé de reprendre le paiement des loyers, malgré l’effort des bailleurs d’effacer sa précédente dette locative. Les délais de grâce accordés par les juges tiennent compte du comportement du demandeur. En espèce, le fait que le locataire demande un effort supplémentaire avec un sursis alors que ce dernier continue de ne pas payer son loyer est apprécié comme de la mauvaise foi.
Les juges de la Cour d’appel estiment ainsi que le juge en première instance a parfaitement pris en compte la situation personnelle du locataire, y compris sa situation financière précaire. Néanmoins, cela ne justifie pas selon eux de pénaliser encore une fois les bailleurs qui ont déjà consenti à effacer la dette locative de leur locataire et qui continuent de subir des loyers impayés.
Cet arrêt présente ainsi une dimension morale intégrant pleinement le comportement du demandeur. La mauvaise foi manifeste du locataire face à la bonne foi des bailleurs amène ainsi le rejet d’un délai de grâce concernant l’expulsion. Bien qu’une demande de sursis puisse être accordée en matière d’expulsion, il ne s’agit pas ici d’un droit consacré. Le comportement jugé fautif du demandeur est ainsi pris en compte afin de protéger les bailleurs ayant déjà subi un important préjudice face au cumul des loyers impayés.