Pour la première fois depuis 2019, le début du mois d’avril sonne à nouveau la fin de la trêve hivernale et avec elle la reprise des expulsions locatives. En effet, les deux dernières années ont été marquées par des prolongations exceptionnelles de cette période en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19.
De par sa qualité d’officier public, l’huissier de justice se trouve chargé d’une mission particulière dans son exercice quotidien. Non seulement il défend les intérêts de son client en mettant à exécution les décisions de justice rendues, mais il s’assure également de la préservation des droits de la personne poursuivie tout au long de son action. S’il s’agit la plupart du temps d’apporter à cette dernière une information éclairée, il peut aussi être question de protéger ses biens par exemple à l’occasion de la procédure d’expulsion.
Un inventaire suffisamment précis du mobilier
Conformément aux dispositions des articles L433-1 et R433-1 du Code des procédures civiles d’exécution, il revient à l’huissier de justice chargé de procéder à une expulsion de dresser un inventaire précis du mobilier présent dans les lieux (sauf celui emporté par la personne expulsée).
Cet inventaire contient également une précision quant à la valeur marchande éventuelle du mobilier, qui ne constitue qu’une appréciation d’apparence sans estimation. Pour ce qui est des affaires et papiers personnels de la partie expulsée, plus sensibles et importants par nature, l’huissier doit les conserver en son étude et sous scellé durant deux ans.
Cela permet d’éviter toute contestation quant à la disparition de certains biens, et de garantir à la personne expulsée de les retrouver après les opérations.
Bien que l’acte doive contenir une description précise des biens, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose que cet inventaire soit parfaitement exhaustif. Cette solution paraît logique, tant il est de cas concrets s’opposant à une telle exhaustivité. L’hypothèse la plus parlante est celle d’une personne atteinte du syndrome de Diogène, qui généralement accumule de façon maladive d’innombrables objets dans son logement.
En revanche, la description des biens doit être suffisamment précise pour permettre de les identifier.
Les sanctions de l’inventaire incomplet
Le Code des procédures civiles d’exécution impose un inventaire des biens avec la mention de leur valeur marchande, et ce à peine de nullité. Les juridictions considèrent généralement qu’un inventaire incomplet, voire inexistant, constitue une irrégularité de forme sanctionnée à ce titre conformément à l’article 114 du Code de procédure civile.
Il a ainsi pu être retenu qu’un inventaire incomplet du mobilier ou l’absence d’appréciation de sa valeur marchande ne peuvent justifier qu'une demande de dommages et intérêts, sous réserve de la preuve d'un préjudice causé à la personne expulsée par ce manquement.
En revanche, un inventaire incomplet ne suffit pas à lui seul à remettre en question l’expulsion et à permettre la réintégration de la personne expulsée. Il en va évidemment autrement des manquements ayant trait au bien-fondé même de la mesure, comme l’absence de titre exécutoire ou des conditions d’exécution illégales.
Il arrive parfois que les personnes expulsées tentent la voie de l’inscription de faux pour faire annuler la procédure. Cette stratégie est bien souvent basée sur un raisonnement infondé qui non seulement n’a quasiment aucune chance d’aboutir, mais de surcroît expose la personne expulsée à une amende et à des dommages et intérêts.
Pour en savoir plus
Nous vous invitons à lire l’article « L’inventaire contenu dans le procès-verbal d’expulsion à l’épreuve de la réalité du terrain » écrit par l’un des associés de l’étude CERTEA, Luc Assouline, et publié dans le numéro de février 2022 de la Revue Pratique du Recouvrement, anciennement Droit et Procédures (EJT - Dalloz).