Lors d’une procédure collective, un crédit-bailleur reste propriétaire du bien faisant l’objet d’un crédit-bail. Ce droit de propriété lui octroie un avantage indéniable. Ce dernier peut réclamer la détention de son bien - objet du contrat de crédit-bail – au crédit-preneur placé en liquidation judiciaire.
Par ailleurs, le crédit-bail peut également faire l’objet d’un cautionnement. Dans ce cas, que se passe-t-il si le crédit-bailleur ne réclame pas la détention de son bien aux mains du crédit-preneur en liquidation judiciaire ? Quel est le sort de la caution ? La Cour de cassation dans un arrêt du 8 novembre 2023 (Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, n° 22-13.823) a pu rappeler quels sont les obligations du crédit-bailleur et les droits de la caution dans pareille situation.
Crédit-bail et procédure collective : rappel des fondamentaux
L’ouverture d’une procédure collective n’est jamais anodine, que ce soit pour l’entreprise faisant l’objet de difficultés financières ou pour ses créanciers. En effet, les créanciers doivent se soumettre à une procédure codifiée afin d’espérer pouvoir recouvrer leurs créances.
Dans le cadre d’un crédit-bail, le crédit-bailleur sort son épingle du jeu parmi les autres créanciers. Si le crédit-bail a fait l’objet d’une publicité, le crédit-bailleur n’a pas l’obligation de déclarer sa créance auprès du mandataire judiciaire. Ce dernier peut réclamer la détention de son bien aux mains de son crédit-preneur (article L624-10 du Code de commerce). En effet, un crédit-bailleur reste propriétaire du bien jusqu’à la fin du contrat.
À noter qu’il s’agit d’une faculté et non d’une obligation. Pour cela, le crédit-bailleur doit uniquement adresser une demande de restitution de son bien par lettre recommandée avec accusé de réception auprès de l’administrateur ou — à défaut — au débiteur. Une copie devra également être adressée au mandataire judiciaire (article R624-14 du Code de commerce).
Absence de demande de restitution par le crédit-bailleur : la
caution déchargée ?
En l’espèce, la Cour de cassation est amenée à statuer sur l’application de l’exception de subrogation lorsqu’un crédit-bailleur ne revendique pas son bien détenu par un crédit-preneur en liquidation judiciaire.
Pour rappel, le crédit-bailleur possède uniquement la faculté de pouvoir demander la restitution de son bien lorsque le crédit-preneur est en liquidation judiciaire. Il ne s’agit pas d’une obligation.
Cependant, dans cette affaire le crédit-bail fait également l’objet d’un cautionnement. Par ailleurs, le crédit-bailleur a assigné les cautions en paiement. En l’absence de demande de restitution du matériel faisant l’objet du contrat, le couple s’étant porté caution de ce crédit-bail estime que la subrogation est devenue impossible par le fait du créancier et ainsi ne pas être tenues au paiement du crédit-bail. Autrement dit, les cautions estiment ne pas être en mesure de se subroger aux droits du créancier, ce dernier n’ayant volontairement pas réclamé le matériel objet du contrat.
L’affaire est portée devant la Cour d’appel de Montpellier qui retient la faculté et non l’obligation pour le crédit-bailleur de revendiquer son bien. De même, la cour d’appel retient que le crédit-bailleur a envoyé deux lettres au mandataire judiciaire afin de demander les modalités de récupération de ses biens.
Cependant, les lettres envoyées par le crédit-bailleur avaient uniquement pour objectif de rappeler son statut de propriétaire. Ces correspondances n’ont pas été suivies d’une demande de restitution du matériel.
Or, l’article 2314 du Code civil — dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 — dispose qu’une caution est déchargée de son obligation à hauteur de son préjudice lorsqu’elle ne peut plus se subroger au droit du créancier par la faute de ce dernier.
La réponse apportée par la Cour de cassation est ici explicite : « Il en résulte que si la demande de restitution d’un bien, objet d’un contrat publié, fondée sur les articles L. 624-10 et R. 624-14 du code de commerce ne constitue qu’une faculté pour le propriétaire de ce bien, ce dernier, lorsque sa créance est par ailleurs garantie par un cautionnement, commet une faute, au sens de l’article 2314 du Code civil, si, en s’abstenant d’exercer l’action en restitution, il prive la caution d’un droit qui pouvait lui profiter. »
L’obligation d’information annuelle s’applique-t-elle pour la caution d’un crédit-bail ?
Les époux s’étant portés cautions du crédit du bail font également grief au crédit-bailleur de ne pas les tenir informés du montant principal, des intérêts, commissions, frais et accessoires qu’il reste à payer au titre de ce contrat.
Pour rappel, l’article L. 341-6 du code de la consommation dans sa rédaction applicable en l’espèce dispose que « Le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. À défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. »
Concernant ce moyen, la cour d’appel a estimé que cette obligation d’information annuelle ne s’appliquait pas à la caution d’un crédit-bail. La Cour de cassation présente une interprétation autre de cet article. Cette dernière considère que l’obligation d’information annuelle s’applique également à la caution d’un crédit-preneur qui s’acquitte des loyers.
La Cour de cassation rappelle ainsi la diligence dont doit faire preuve un crédit-bailleur à l’égard de la caution d’un crédit-preneur. Il s’agit ici de préserver les droits de la caution du crédit-preneur et de veiller à une totale transparence concernant le montant de la créance qu’il reste à honorer.