Les logements insalubres peuvent représenter un danger pour la sécurité et la santé de ses habitants. Au-delà d’un simple manque de confort, des problèmes d’humidité ou d’isolation peuvent être la cause de maladies respiratoires, d’allergies… Les locataires louant un logement qualifié d’insalubre peuvent ainsi légitimement vouloir ne plus payer leur loyer. Il peut s’agir d’un moyen de pression efficace pour inciter le propriétaire à faire réaliser rapidement des travaux de rénovation à ses frais.
Cependant, le non-paiement d’un loyer reste un manquement grave de la part du locataire. Les situations justifiant le non-paiement du loyer sont donc limitées. L’état d’insalubrité du logement en fait partie. Les juges de la Cour d’appel de Douai dans un arrêt rendu le 27 janvier 2022 (ch. 08 sect. 04, 27 janvier 2022 / n° 22/120) ont eu l’occasion de rappeler les conditions pouvant justifier le non-paiement du loyer à cause de l’insalubrité.
Le principe de l’exception d’inexécution justifiant le non-paiement d’un loyer
L’exception d’inexécution est un principe jurisprudentiel qui a fait l’objet de vifs débats. Il s’agit d’une dérogation admise à l’obligation de payer le loyer pour le locataire. Dans ce cas, le locataire doit pouvoir prouver que le bailleur ne respecte pas l’une de ses principales obligations.
Pour éviter tout abus, les juges admettent l’exception d’inexécution que dans de rares occasions, notamment lorsque le logement est manifestement inhabitable. Les juges sont unanimes sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une dérogation permettant de se faire justice soi-même. En l'espèce, les faits reprochés au bailleur doivent être suffisamment graves pour justifier le non-paiement du loyer par le locataire.
Dans ce cas, les juges peuvent rejeter la demande du bailleur de constater l’acquisition de la clause résolutoire du contrat de bail pour défaut de paiement du locataire. De plus, le bailleur peut également se voir débouter de sa demande de paiement des loyers impayés.
Quel doit-être le degré d’insalubrité ?
Les juges de la Cour d’appel de Douai ont eu l’occasion de rouvrir le débat concernant l’application de l’exception d’inexécution selon le degré d’insalubrité du logement.
Des exemples de désordres dénoncés par les locataires
Dans les faits, il s’agit d’un couple qui loue un logement à un autre couple bailleur par l’intermédiaire d’une agence immobilière.
Les locataires ont constaté dans ce logement :
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- • des traces noires, des fissures et une tombée de plâtre dans la cuisine après un dégât des eaux au moment de l’état des lieux d’entrée ;
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- • du calcaire au niveau de la robinetterie et une manivelle de persienne défectueuse ;
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- • des murs et des sols qui nécessitent de refaire la peinture et de changer les moquettes ;
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- • une installation électrique et de raccordement au gaz ne répondant pas aux normes en vigueur ;
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- • 2 cabines de douche en mauvais état.
Les locataires ont adressé plusieurs mails à l’agence immobilière en charge de cette location dans lesquels ils ont décrit ces désordres. Ils demandent la participation financière des bailleurs aux travaux de réfection, le remplacement des cabines de douche et des travaux de remise aux normes de l’alimentation électrique et de gaz.
L’agence immobilière a fait procéder à une réfection des joints et à un nettoyage complet des douches ainsi qu’à une réfection des plafonds. Un devis a également été réalisé pour l’installation électrique et la réfection de la zone ayant subi un dégât des eaux.
Ce qu'en pensent les juges
Est-ce que ces désordres suffisent à justifier le non-paiement du loyer ? Concernant ce litige, les principales observations des juges sont les suivantes :
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- • l’état des lieux d’entrée ne suffit pas à caractériser le degré de gravité des taches noires, des fissurations et du décrochement de morceaux de plâtre suite à un dégât des eaux ;
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- • aucun élément de preuve ne permet d’attester que l’installation électrique est défectueuse, obsolète ou dangereuse ;
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- • aucun constat d’huissier, rapport d’un service compétent en matière de logement insalubre, rapport d’expertise extra-judiciaire, avis établi par un professionnel ou justificatif de travaux payés par les locataires n’a été produit par les locataires.
Dans les faits, les locataires se sont contentés de produire des photographies non datées des désordres. Par conséquent, les juges ont considéré qu’il n’y avait pas d’élément de preuve attestant de l’insalubrité du logement. Le degré de gravité de ces désordres ne permettait pas de qualifier ce logement d’inhabitable en l’état. En l’espèce, les locataires ne pouvaient donc pas se prévaloir de l’exception d’inexécution pour arrêter de payer leur loyer.
Comment prouver l’insalubrité du logement ?
La question sous-entendue suite à la présentation de cet arrêt de la Cour d’appel de Douai est : comment prouver l’insalubrité d’un logement ? En effet, l’absence d’élément de preuve de l’insalubrité d’un logement peut entraîner le refus d’appliquer l’exception d’inexécution pour légitimer le non-paiement du loyer en attendant une remise en état dudit logement.
Pour prouver l’insalubrité d’un logement, tout locataire peut demander à un huissier de justice de dresser un constat d’huissier. Que ce soit pour de la moisissure au mur, pour une installation électrique dangereuse, pour un dégât des eaux ou pour tout autre désordre, l’huissier pourra venir sur les lieux afin de dresser un procès-verbal de constat. Ce PV de constat comprendra une description écrite et objective des désordres, avec la possibilité d’y ajouter des photographies, des vidéos, des mesures de taux d’humidité… Il s’agit d’un élément de preuve irréfutable jusqu’à preuve du contraire.
Un locataire assigné en justice pour loyers impayés pourra ainsi prouver l’état d’insalubrité du logement loué pour demander l’application de l’exception d’inexécution.
L’étude CERTEA Huissiers de justice associés est compétente pour réaliser des constats d’insalubrité et vous accompagne pour faire valoir vos droits en tant que locataire.