L’action en résiliation judiciaire d’un bail à la demande d’un copropriétaire pour troubles anormaux de voisinage d’un locataire est possible !
Un locataire peut se voir expulsé de son logement, que ce soit par l’application d’une clause résolutoire ou par une action en justice pour demander la résiliation judiciaire du bail. Pour cela, la personne demandant la résiliation du bail d’habitation doit pouvoir justifier d’un motif valable, tel que des troubles anormaux du voisinage causés par le locataire. Cette action en justice est généralement exercée par un propriétaire bailleur ou le syndicat de copropriété lorsque le logement fait partie d’une copropriété.
La Cour de cassation — dans un arrêt de la 3e chambre civile du 8 avril 2021 (n°20-18.327) — a récemment eu l’occasion de se positionner sur la possible action en justice d’un copropriétaire victime des nuisances causées par un locataire de l’immeuble dont il n’est pas le bailleur.
Un copropriétaire lésé par les nuisances sonores d’un locataire
En l’espèce, une société de vente de scooters louait un local dans un immeuble faisant l’objet d’une copropriété. L’activité de cette société engendrait de nombreuses nuisances sonores et olfactives, notamment dues au démarrage régulier de scooters.
Face à l’inaction du bailleur et du syndicat de copropriété, un copropriétaire a saisi le juge des contentieux de la protection compétent afin de demander la résiliation du bail d’habitation pour trouble anormal du voisinage.
Le juge de première instance a répondu favorablement à cette demande ainsi que la cour d’appel. La société condamnée à quitter les lieux s’est alors pourvue en cassation.
La Cour de cassation valide à son tour l’action oblique d’un copropriétaire à agir en justice afin de demander la résiliation d’un bail d’habitation pour trouble anormal du voisinage.
Pour cela, la Cour de cassation se fonde sur les anciens articles 1165 et 1166 du Code civil, applicables en l’espèce dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.
L’article 1165 disposait que « Les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121. ».
L’article 1166 y ajoutait une exception : « Néanmoins, les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne. »
En ce sens, la Cour de cassation autorise ainsi un copropriétaire à agir en lieu et place d’un bailleur ou d’un syndicat de copropriété, afin de demander la résiliation d’un bail d’habitation d’un locataire à l’origine du trouble anormal du voisinage.
La réaffirmation d’une jurisprudence datant de 2000
Pour fonder l’action en justice du copropriétaire, la Cour de cassation rappelle qu’un règlement de copropriété possède la valeur d’un contrat qui permet à chaque propriétaire d’en imposer le respect aux autres. Par cet arrêt, la Cour affirme sa position jurisprudentielle datant d’un arrêt de la 3e chambre civile pris le 22 mars 2000 (3e Civ., 22 mars 2000, pourvoi n° 98-13.345, Bull. 2000, III, n° 64).
En ce sens, le locataire fautif est également débiteur de tous les copropriétaires en ce qui concerne le respect du règlement de copropriété.
En l’espèce, le locataire ne respecte pas le règlement de copropriété et peut donc faire l’objet d’une résiliation judiciaire du bail d’habitation à l’initiative d’un copropriétaire autre que son bailleur.
La Cour de cassation consacre ainsi l’action oblique d’un copropriétaire pour demander l’expulsion d’un locataire. Le copropriétaire agit ainsi à la place du bailleur défaillant pour faire cesser les troubles du voisinage.
Une action oblique justifiée par l’inaction du bailleur et du syndicat de copropriété face à des troubles anormaux du voisinage
La position de la Cour de cassation est ici justifiée par la carence du bailleur et du syndicat de copropriété à agir pour mettre fin aux nuisances sonores et olfactives causées par le locataire.
Ainsi, l’action oblique du copropriétaire est ici recevable dû à l’inaction du bailleur et du syndicat de copropriété, débiteurs du copropriétaire en ce qui concerne le respect du règlement de copropriété.
De ce fait, tout copropriétaire qui souhaite agir à la place du bailleur ou du syndicat de copropriété pour demander la résiliation judiciaire d’un bail doit pouvoir justifier :
• de l’irrespect manifeste et répété du règlement de copropriété ;
• de l’inaction du bailleur et du syndicat de copropriété pour faire respecter les dispositions du règlement de copropriété.
Pour cela, tout copropriétaire peut demander un constat de commissaire de justice. Ce procès-verbal de constat représente un élément de preuve irréfutable jusqu’à preuve du contraire. Il peut être présenté au juge pour demander la résiliation judiciaire d’un bail d’habitation.
Cet arrêt ouvre ainsi une voie de droit qui permet à tout copropriétaire d’agir pour faire cesser tout trouble anormal du voisinage. Cette position jurisprudentielle représente une avancée significative pour éviter tout blocage volontaire de la part d’un bailleur souhaitant maintenir un bail d’habitation par intéressement financier, malgré des nuisances avérées de la part du locataire.